Discours du Maréchal Pétain prononcé à la radio française le 17 juin 1940

Français !

A l'appel de M. le président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la patrie.


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Discours du Général de Gaulle prononcé à la radio de Londres le 18 juin 1940

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non!

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres.

(Il n'existe plus d'enregistrement de ce premier appel)

 

L'appel du 21 mai 1940 de Savigny-sur-Ardres

Au lendemain de la bataille de Montcornet (près de Laon du 17 au 20 mai 1940), le colonel Charles de Gaulle, qui commande la 4e division cuirassée, lance de Savigny-sur-Ardres dans la Marne un premier appel, radiodiffusé le 2 juin suivant, qui ressemble beaucoup à l'Appel du 18 juin. 

"C'est la guerre mécanique qui a commencé le 10 mai. En l'air et sur la terre, l'engin mécanique - avion ou char - est l'élément principal de la force. 

L'ennemi a remporté sur nous un avantage initial. Pourquoi ? Uniquement parce qu'il a plus tôt et plus complètement que nous mis à profit cette vérité. 

Ses succès lui viennent de ses divisions blindées et de son aviation de bombardement, pas d'autre chose ! 

Eh bien ? nos succès de demain et notre victoire - oui ! notre victoire - nous viendront un jour de nos divisions cuirassées et de notre aviation d'attaque. Il y a des signes précurseurs de cette victoire mécanique de la France. 

Le chef qui vous parle a l'honneur de commander une division cuirassée française. Cette division vient de durement combattre ; eh bien ! on peut dire très simplement, très gravement - sans nulle vantardise - que cette division a dominé le champ de bataille de la première à la dernière heure du combat. 

Tous ceux qui y servent, général aussi bien que le plus simple de ses troupiers, ont retiré de cette expérience une confiance absolue dans la puissance d'un tel instrument. 

C'est cela qu'il nous faut pour vaincre. Grâce à cela, nous avons déjà vaincu sur un point de la ligne. Grâce à cela, un jour, nous vaincrons sur toute la ligne."

L'allocution est receueillie le 21 mai 1940 à Savigny-sur-Ardres par le reporter radio Alex Surchamp et diffusée le 2 juin suivant à 18 heures dans l'émission le Quart d'heure du soldat, sans que le nom de De Gaulle soit cité. Le texte a été publié pour la première fois par Anne et Pierre Rouanet dans L'Inquiétude d'outre-mort du général de Gaulle, paru chez Grasset en 1985.