france3.gif (870 octets) Le 6e CUIRASSIERS en 1940

 

Haut de Page

6e Régiment de Cuirassiers

Créé en 1635 sous le nom de Dragons du Cardinal, le régiment devient 6e de Cavalerie à partir de la Révolution. En 1803, il change de dénomination pour celle de 6e Cuirassiers et c'est sous ce nom qu'il participe aux campagnes napoléoniennes. En 1815, le régiment s'appelle Cuirassiers de Condé et redevient 6e cuirassiers en 1830. Pendant la Première Guerre-Mondiale, le 6e Cuirs s'illustre et obtient trois citations. De 1919 à 1930, le régiment appartient à l'Armée du Rhin en occupation. Ensuite en garnison à Verdun.

En 1934, le 6e cuirassiers est motorisé afin de devenir en 1936 le régiment de découverte de la 1re DLM. Si les rôles traditionnels de la cavalerie sont la couverture, la sûreté et le combat en liaison avec les autres armes, la mission du régiment de découverte d'une DLM (unité créée spécialement pour le renseignement et la couverture) est essentiellement le renseignement. Afin d'accomplir sa mission, celui-ci doit être doté d'un matériel adapté et modeme. Le régiment touche ses premières AMD (2 AutoMitrailleuse de Découverte) Panhard modèle 1935 dès 1937. Le 28 septembre 1938, le 6e Cuirs met sur pied l'échelon A de mobilisa- tion. A cette date, le régiment souffre d'un léger déficit en personnel, soit trente-trois hommes. Le déficit en matériel est quant à lui plus préoccupant. En effet, il manque huit automitrailleuses (Laffly 80 AM, dite « Laffly-Vincennes) et certains side-cars montrent des signes d'usure avancée. La 1re DLM Comparable à certains égards à la Panzerdivision, la division légère mécanique est d'un concept antérieur. Créée sous l'impulsion du général Flavigny directeur de la cavalerie, la première voit le jour dés 1936. Division d'active, la 1e DLM ne devient réellement opérationnelle qu'à partir de 1938, elle cantonne alors dans la région de Verdun. L'organisation de l'unité s'articule autour d'un régiment de découverte (6° cuirassiers), de deux brigades légères mécaniques (1e BLM : 4e cuirassiers et 18e dragons ; 2e BLM : 4e régiment de dragons portés) et d'un régiment d'artillerie (74e RATT) 4. Placée sous le commandement du général de brigade Picard, la division souffre à la date du 2 septembre 1939 d'un léger déficit en matériel radio, en revanche son personnel est complet. A partir de mi-novembre, la 1re DLM se porte sur la frontière du Nord dans la région de Valenciennes (PC à Caudry), elle est alors rattachée au corps de cavalerie du général Prioux. Sur alerte, les unités de la division font mouvement les 12 et 13 janvier 1940 vers la région de Cambrai. Le 26 mars, en prévision de l'exécution de la variante Breda à la manoeuvre Dyle, la division est rattachée à la 7e Armée (Giraud), son PC s'installe à Fruges.

Le 6e Cuirs en 1939 A la veille du second conflit mondial, le 6e cuirassiers est une unité totalement opérationnelle, les matériels sont modernes et adaptés et l'entraînement des hommes très correct. Le régiment se compose d'un état-major, de quatre escadrons de combat (Ie 1er et le 3e sont équipés d'AMD, les 2e et 4e de motos) et d'un escadron hors-rang. Le 1er et le 2e escadron forment le 1er groupe d'escadrons sous les ordres du chef d'escadrons de Ferron. Le 2e groupe d'escadrons composé des 3e et 4e escadrons est quant à lui commandé par le chef d'escadrons Michon. Chaque escadron AMD est composé de 4 pelotons de 5 voitures et chaque escadron moto de 4 pelotons à 2 groupes de combat. Au total, le régiment compte 390 véhicules automobiles dont 44 AMD et 127 motos et side.

Le 2 septembre, le régiment entre en campagne avec l'effectif suivant : 34 officiers, 133 sous-officiers et 758 hommes de troupe. Le 6e cuirassiers change ensuite sept fois de cantonnement, notamment lors de l'alerte du 10 novembre où le 1et escadron fait mouvement vers Montcomet. Un autre changement important intervient le 12 décembre, le chef de corps (colonel Lafeuillade) qui vient de prendre le commandement par intérim de la 13e brigade légère motorisée est remplacé à la tête du régiment par le colonel Pierre Dario. Fin décembre, stationnée à Saint-Hilaire-lez-Cambrai.

Campagne de Hollande et de Belgique Depuis le 6 mars 1940, date du transfert de la 1re DLM du corps de cavalerie vers la 7e Armée, le 6e cuirassiers s'est rapproché de la frontière belge et cantonne dans la région de Steenbecque. A cette époque, le régiment s'organise en configuration de combat et forme des DD (5. Chaque DD (détachement de découverte) est composé d'un peloton d'AMD, d'un peloton motos et d'un PC. La composition du PC est la suivante : trois voitures de tourisme (commandement, TSF et sanitaire), une ambulance, deux side-cars, cinq solos de liaisons et deux camionnettes (dépannage et observation).) et une reconnaissance. Celle-ci est composée du 3e peloton du 1er escadron (AMD) et d'un peloton moto du 2e escadron. L'unité divisée en deux patrouilles est placée sous le commandement du lieutenant José de Villéle. Le 6 mai, le DD 1 commandé par le lieutenant de Montalembert et la reconnaissance s'installent sur la frontière belge, respectivement à Hondschoote et à Oostcappel.

Le 10 mai 1940, le régiment est réveillé vers 6 heures par le bombardement du terrain d'aviation de Saint-Omer. L'hypothèse Breda confimée, le 6e cuirassiers franchit la frontière à 10 heures précédé des DD 1, DD 2 (capitaine Devouges), DD 3 (capitaine Dudognon) qui s'engagent en Belgique sur des itinéraires différents, et de la reconnaissance qui assure la liaison entre le DD 1 et le DD 2. Si l'essentiel de la traversée de la Belgique s'effectue sans problème majeur, en revanche à partir de Turnhout des difficultés apparaissent. A l'est de cette ville, les ponts sur le canal (6. Il s'agit du canal reliant Anvers à Tumhout et non du canal Albert comme indiqué dans les rapports de l'unité.) sont tous détruits, ce qui oblige une importante modification des itinéraires, hormis pour le DD 1 qui seul peut continuer sa route. La reconnaissance quant à elle arrive à Turnhout vers 22 heures après avoir essuyé des tirs allemands sur la rive sud du canal. Elle rejoint alors le gros du régiment qui s'engage en direction de Tilburg après avoir déminé les ponts. A la frontière de Hollande, des obstacles ralentissent le régiment, qui arrive finalement à Tilburg le 11 mai à 4 heures du matin.

Après contact avec un responsable des forces hollandaises et évaluation de la situation, le colonel Dario décide d'engager le DD 2 sur Bois-le-Duc que les Allemands sont sur le point d'investir, et le DD 3 vers Eindhoven. L'attaque du pont de Moerdijk sur la Meuse par le 11/Fallschirmjàger-Rgt. l oblige l'intervention du DD du chef d'escadrons Michon, renforcé à cette occasion de la reconnaissance et d'un escadron moto du 4e RDP. Partie à 7 heures en tête du convoi, la reconnaissance arrive au nord de Breda deux heures plus tard. La route est difficile car les équipages sont soumis à de nombreuses attaques aériennes. De plus, les Hollandais fuyant les combats entravent la progression. A toute allure, la tourisme d'un officier hollandais débouche devant une AMD, le choc est inévitable et fausse légèrement la direction de l'automitrailleuse. Malgré le renfort en début d'après-midi d'un détachement du 5e GRDI, l'avance est stoppée à la sortie nord du village de Zevensbergshenhoek. Les attaques incessantes de la Luftwaffe obligent le détachement Michon au repli sur Breda.

Le 12 mai, suite aux replis belge et hollandais, la 1re DLM se retrouve seule en pointe du dispositif allié. Tandis que le détachement Michon assure la couverture de Breda, la patrouille du lieutenant de Villéle est engagée avec des éléments du 5e GRDI au nord-est de cette ville, avant de se replier sur Chaam. Le lendemain, la pression allemande, notamment celle exercée au nord de Breda, oblige malgré une opiniâtre résistance le décrochage de la 1re DLM. Lors d'une attaque aérienne durant la traversée du village d'Etten, une AMD est détruite par un coup direct (7. Il ne peut s'agir que de l'AMD du maréchal des logis Ray.). Le 14 mai, la patrouille de Villéle séparée du détachement Michon évite l'encerclement à Bergen-op-Zoom, franchit le canal Albert et rejoint le régiment au sud-est d'Anvers. Tragique épisode de ce repli, un cava- lier par le volet de son poste de conduite abat sur ordre une femme, vraisemblablement agent de la 5e colonne (8. Le rapport du capitaine Leliévre (commandant du 3e escadron) sur les combats de Breda est significatif : « Nota : Pendant les opérations des 11, et 12 mai j'acquis la conviction que les civils hollandais munis de brassards blancs et dont la mission semblait consister à maintenir l'ordre, et qui, le cas échéant renseignaient aimablement les troupes françaises, étaient allemands et qu'ils étaient là (pour la plupart) pour renseigner les troupes allemandes au fur et à mesure de leur avance : tes allées et venues de ces hommes en auto entre Tilburg et Breda, les attaques aériennes ennemies et terrestres précises que nous avions à subir régulièrement peu après leur passage, ainsi que plusieurs coups de feu parlant des maisons ne peut laisser aucun doute à ce sujet. »).

Le 16, suite aux pertes de Hollande et de Belgique (9. A cette date, le régiment a perdu environ la moitié de ses AMD. En revanche, les pertes humaines sont beaucoup plus faibles.), le colonel Dario réorganise son régiment en deux escadrons mixtes (AMD/motos). Le capitaine Devouges garde le commandement du 1er (et unique) groupe d'escadrons, le lieutenant de Carini prend le commandement du 1er escadron mixte et le capitaine Dudognon celui du 2e. Combat sur la Sambre. Au soir du 16 mai, face à la percée des 5. et 7. Panzer-Divisionen, la ire DLM reçoit l'ordre de se porter au sud de Valenciennes. Le mouvement s'effectue en deux groupements sur des itinéraires différents, chacun éclairé par un escadron mixte du 6e cuirassiers. Le 17, la situation dans la région du Cateau est assez confuse et le régiment doit lancer de nombreuses reconnaissances. La patrouille de Villéle vers Croix-Caluyau est arrêtée par le tir direct d'un canon allemand.

Le 18, la 1re DLM qui appartient désormais à la 9e Armée doit contre-attaquer en fin d'après-midi entre Wassigny et Landrecies. Dés 4 heures du matin, la patrouille de Villéle se rend vers Romeries en couverture d'un groupe de canons de 75 du 74e RA. Vers 16 heures, le lieutenant de Villéle reçoit l'ordre de se porter au Quesnoy afin de couvrir l'attaque de la division. En chemin, la rencontre avec des chars (10. Ces chars appartiennent certainement à la 5. Panzer.Division qui traverse alors la forêt de Mormal.) qui détruisent 3 sides (occasionnant la perte de 3 hommes dont 2 tués), contraint les AMD à un décrochage difficile. Un AMD doit foncer à tra- vers un bosquet dont les arbustes face au poids et à la vitesse se plient devant la Panhard. Débordée, l'attaque de la 1re DLM ne peut aboutir. Dés le 19 mai, la division qui vient de rejoindre le corps de cavalerie, doit se replier derrière l'Escaut. Au cours de ce mouvement, des AMD se trouvent « coincée » au milieu d'une file de camions que quelques motocyclistes allemands capturent facilement. Le convoi est ensuite dirigé vers un parc agricole dont des automitrailleuses n'ont pas de peine à s'extraire vu le manque élémentaire de surveillance. Elles rejoignent finalement les lignes françaises sur le canal de la Sensée. Le 22 mai, la patrouille de Villéle combat dans le secteur de Mont-Saint-Eloi où contre-attaquent des chars de la division et des éléments du 4e RDP.

A partir du 24, le 6e Cuirs entame un repli qui va l'amener jusqu'à Dunkerque. Le 26 mai, alors que le régiment se trouve sur la Deule, le lieutenant de Villéle reçoit la légion d'honneur, remise par le colonel de Beauchesne commandant provisoire de la division. A Dunkerque Alors que du 27 au 28 mai la 1re DLM combat sur la Lys, le 6e cuirassiers se regroupe au Perroquet (3 km à l'est de Bray-Dunes). Là, les dernières AMD sont sabordées. Le 30 arrive enfin l'ordre de se porter sur Malo-Terminus. Errant dans les dunes, un cavalier découvre un chiot abandonné qu'il décide d'adopter. La nuit est difficile pour les hommes du régiment car le secteur est bombardé par l'artillerie allemande, les hennissements des chevaux blessés impressionnent les esprits.

Le 31 mai à 19 heures, sur l'estacade de Dunkerque, l'essentiel du régiment embarque en ordre parfait sur le destroyer HMS Basilisk. Dés son départ, le navire subit l'attaque de la Luflwaffe. La maîtrise de l'équipage, le feu des pièces de DCA et l'intervention de chasseurs de la RCAF sauvent le bâtiment qui peut poursuivre sa route sans autre incident. Débarquant à Douvres, le cavalier n'est étonnamment pas séparé de son chiot (11. En effet, la majorité des animaux domestiques emmenés par les troupes françaises seront, pour des raisons sanitaires, abattus par les autorités britanniques.), baptisé Lucky par une infirmière britannique. Le 1er juin, après un transfert par le rail jusqu'à Plymouth, le 6e cuirassiers embarque pour Cherbourg sur l'El Mansour.

Retraite de l'armée de Paris A son retour en France, le 6e cuirassiers qui a perdu l'ensemble de ses moyens mécaniques, tente de se reconstituer dans la région d'Evreux (12. Le10 juin 1940, l'ordre de bataille du 6e cuirassiers est le suivant : deux escadrons mixtes (5 AMD Panhard, 30 sides Gnome & Rhône et 57 Indian), soit un effectif combattant de 400 hommes et 132 hommes en deuxième échelon, sous les ordres du lieutenant More.). Le capitaine Delarue accompagné de deux chefs de peloton (lieutenant Gabet et adjudant Taron), de cinq chefs de voiture et de cinq conducteurs d'AMD (13. Ces hommes proviennent tous du 1er escadron.), doit se rendre à Montlhéry afin de former un 4e escadron destiné semble-t-il à la lutte contre les parachutistes. Les AMD 178 que l'unité perçoit au Dépôt central du matériel blindé de la cavalerie sont sans tourelle. En remplacement et avec anxiété, les hommes installent faute de mieux des sacs de sable autour de FM 24/29, désormais leur arme de bord ! Alors que le 6e cuirassiers (engagé dés le 11 juin dans le secteur de Pacy-sur-Eure) va suivre le destin de la 1re DLM entre Seine et Loire, le nouveau 4e escadron est détaché depuis le 14 juin à-la 4e DCR. L'unité est composée de deux pelotons antiaériens et d'un PC. Hormis un combat le 16 juin à Berchères-les-Pierres (Eure-et-Loir) où le commandant du peloton est fait prisonnier (14. Il s'agit du sous-lieu- tenant René Chauvaud.), l'escadron n'est pas engagé et suit la retraite de la division jusqu'en Haute-Vienne.

Une dizaine de jours après la fin des hostilités, l'escadron rejoint le 6e cuirassiers alors installé à Saint-Louis-en-l'Isle (Dordogne). Après un séjour chez un cultivateur de tabac, un cavalier est finalement démobilisé le 1er septembre 1940. Le centre de démobilisation de Mussidan lui remet deux jours de vivres et la somme de deux cents francs au titre d'acompte sur la prime de démobilisation.